Depuis plusieurs années, Myriam Mekouar intervient en milieu ouvert à l'UEMO de Brest et de Quimper en Finistère à raison d'un atelier philo mensuel avec les jeunes pris en charge par les équipes de la PJJ, ainsi qu'en milieu fermé, notamment dans le quartier mineurs de la maison d'arrêt de Brest.
Ce dispositif s'inscrit dans le cadre du PLAT
Ces ateliers sont destinés principalement aux mineurs en détention dans des maisons d'arrêt.
Le but de ces ateliers est de créer un espace de débat qui susciterait l'envie de déclencher une réflexion sur des thématiques en lien avec le PLAT par des échanges apaisés et de donner les outils réflexifs pour construire une identité citoyenne. Afin de venir en complément des actions déjà mises en oeuvre par les équipes éducatives de la PJJ, nous proposons des cycles d'ateliers philo au quartier des mineurs ainsi que des formations à l'attention des éducateurs qui souhaiteraient se lancer en autonomie dans ce type d'activités avec les détenus.
Pour cela le choix est fait de créer les conditions d'un échange qui respectent les règles d'un débat philosophique, en favorisant la définition des termes employés, en reformulant les idées proposées, en suscitant des réponses argumentées et en recentrant le débat si nécessaire...
Si l’attitude philosophique consiste à considérer que rien ne va de soi — qu’il s’agisse de notre rapport aux choses, aux autres, ou à nous-mêmes — alors la prison semble paradoxalement être un lieu idéal pour philosopher.
Tout d’abord, il ne va pas de soi de proposer un exercice de pensée libre dans un espace dont la nature même est d’être contraignant et hyper-normé.
La réflexion critique, une fois qu’elle a pris son élan, ne peut reconnaître de limites externes : par définition, la pensée autonome se fixe ses propres règles, et refuse toute forme d’argument d’autorité. La seule force qu’elle reconnaît, c’est celle des arguments et des preuves.
Quelle place la philosophie ainsi définie peut-elle se faire dans l’univers carcéral ?
La pensée rationnelle se propose de mettre à distance les affects, et de refuser toute forme de violence. Or la prison est un lieu saturé non seulement d’émotions et de passions, mais aussi de toutes sortes de violences — symboliques, physiques, verbales, etc. Le bâtiment lui-même, en est un signe...
Ainsi, la réalité matérielle du lieu apparaît comme un obstacle supplémentaire à l’exercice d’une pensée sereine et dépassionnée. La présence même des participants ne va pas non plus de soi, si on la compare notamment aux conférences et «cafés philo» qui ont lieu dans d’autres espaces.
La fonction même de la prison — qui est associée, la plupart du temps, à l’idée de punition — soulève un autre type de difficultés.
Proposer de la philosophie dans un espace de détention, n’est-ce pas associer cette discipline à l’idée de peine, de sanction, de châtiment ?
Qu’elle se déploie à l'école, au lycée, à l’université, dans un café, une maison de retraite ou dans une prison, l’activité philosophique doit toujours se méfier de la routine, de l’automatisme, et du confort.
Ces ateliers sont donc un incroyable laboratoire sur la question de la subjectivité, et de l’intersubjectivité.
Des interventions sur mesure
Nous prenons soin avant chaque intervention d’échanger longuement en amont avec les personnels pénitentiaires et les éducateurs afin de cerner les attentes et besoins des détenus comme ceux de l’institution.
Pour plus de renseignements, veuillez vous rapprocher de nous.
Direction interrégionale
de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Ouest
Direction territoriale
de la protection judiciaire de la jeunesse
Finistère / Morbihan
Projet d’action
Nom de l’action : Ateliers philo
Niveau de pilotage : DT 29/56
Période : Année 2020/2021
Référents(s) projet
STEMO 29, cadres de chaque UEMO et Anne Véronique LOSHOUARN CSE/éducatrice -RLC
1/ Contexte :
Dans le cadre de la recherche de nouveaux outils au soutien à l’individualisation des prises en charge, ainsi qu’au travail sur les notions de citoyenneté, laïcité et de prévention de toutes formes de radicalisation, le STEMO souhaite renouveler l’action autour d’ateliers philosophiques à destination des jeunes de l’UEMO de Brest et la démarrer dans le cadre de stage de citoyenneté à l’UEMO de Quimper.
2/ Objectif(s) :
Mettre en œuvre, une action (un parcours de 10 ateliers philosophiques) visant à favoriser le développement d’une pensée critique, à travailler sur les thèmes de la vie en société, de l’altérité et donc de la citoyenneté. L’objectif des ateliers philosophiques est de permettre aux jeunes de s’interroger de manière constructive sur des sujets en lien avec les valeurs républicaines, le vivre-ensemble, la prévention des attitudes et propos intolérants, dans un contexte valorisant et bienveillant. A tour de rôle, les jeunes occuperont la fonction de président de session, distribuant la parole. Les jeunes auront alors l’occasion de développer leur capacité d’écoute et de confronter leur avis pour parfois remettre en question ce qu’ils pensaient être « la vérité » (ma vérité n’est pas forcément la vérité de l’autre et j’apprends à accepter que les autres puissent penser différemment de moi sans les considérer comme des ennemis). Le jeune pourra alors considérer l’atelier philosophique comme un lieu, où il peut s’exprimer sans crainte d’être jugé ou moqué. En retour, il apprendra également à respecter la parole de l’autre, permettant ainsi le développement du respect et de la tolérance. L’objectif est que le jeune enrichisse sa réflexion propre en étant confronté à la réflexion des autres jeunes et des adultes présents.
3/ Description du projet
3.1/ Description du public :
Jeunes suivis par la PJJ à l’UEMO de Brest, proposition d’intervention à destination de jeunes devant réaliser un stage de citoyenneté, et jeunes suivis dans le cadre des mesures de MO.
3.2 / Intervenants :
Myriam MEKOUAR : diplômée en Lettres par l’Université Paris IV Sorbonne et en pratique philosophique par l’Université de Nantes, sous la direction d’Edwige CHIROUTER, titulaire de la chaire UNESCO pour les Nouvelles pratiques Philosophiques.
Témoignage d'une éducatrice PJJ
Je suis actuellement éducatrice stagiaire à la PJJ de Quimper et découvre tous les jours l’épaisseur du métier. Ce moment en a fait partie. En effet, lors de cet atelier, j’ai compris plus intimement comment s’incarnait l’accompagnement sur un temps long. Je suivais notamment l’un des jeunes présent dans sa mesure. J'ai donc pu l’observer sous un autre angle, de deviner d’autres facettes de sa personnalité, de voir comment il interagissait ou non avec les autres. Voici un certains nombre d'éléments que j’ai pu retenir de cet atelier et qui prouvent pour moi à quel point l'atelier philo est un média précieux à la PJJ.
Tout d’abord, j’ai trouvé cela intéressant que l’on laisse les jeunes s’asseoir comme ils le souhaitaient. Cela nous a permis, nous éducatrices, d’observer les dynamiques qui pouvaient se mettre en place et les positionnements de chaque jeune face au groupe, ou face à un espace de prise de parole (aisance ou non). Dans la même idée, nous avons pu observer comment se répartit la parole, comment les émotions sont contrôlées ou non face aux autres mais aussi face à soi-même.
Selon les personnalités des jeunes, l’atelier a révélé des jeunes qui aiment choisir leur mot, d’autres qui ont les mots justes et savants mais qui font preuve d’humilité et d’intelligence pour être compris de leurs camarades, d’autres plus discrets qui s’exprimaient autrement (engagement physique, avec des mouvements du corps pouvant exprimer l’accord, le désaccord, la surprise, etc). Certains avaient des références à l’actualité ou puisaient dans leur culture générale riche. Beaucoup partaient de leur réel pour réfléchir sur une thématique donnée. Certains intellectualisaient leur situation, d’autres étaient complètement dans leur vécu, à se livrer, sans prendre de la distance. Toutes ces observations étaient riches pour nous.
On a aussi pu noter qu’au fur et à mesure, grâce à la bulle sécurisante qui se créait, certains prenaient plus facilement la parole même si la maîtrise du français était hésitante. Parfois, les mots de l’intervenante était repris par les jeunes, preuve de leur écoute et de leur envie de s’appuyer sur la parole de l’autre pour élaborer leur langage et leurs réflexions.
Le jeune le plus fermé a aussi été très intéressant à observer : au départ, les bras fermés et le regard sombre, il ne montrait pas beaucoup d’envie d’être présent. Lorsque que l’intervenante lui posait une question, il répondait. Ses phrases n'étaient pas longues. Il montrait quelques signes d’impatience au début, avec la jambe tremblante. Mais, au fur et à mesure de l’atelier, il s’apaisait. Il a réagi après le film sur le crédit social chinois. Il semblait plus à l’aise de parler d’un réel qui est loin de lui. Il exprimait alors son avis sans agressivité, donnait ses impressions et ses étonnements. Cet espace lui aura permis de se décentrer un peu pour entrer en relation sans enjeu, finalement.
Tous ont exprimé à la fin leur plaisir d’avoir été là et leur envie d’en refaire un autre. Voici ce que j'ai pu retenir :
- Les thèmes de la justice, de la liberté, du respect de la loi et de la défense du bien commun ont plu. Ils ont pu réfléchir à des questions auxquelles ils ne réfléchissent pas trop habituellement.
- L’un d’eux a dit avoir appris de nouveaux mots.
- Concernant la question de la citoyenneté, ils ont pris conscience des différences entre les pays et n’y est pas indifférent. Le fonctionnement chinois a fait réagir.
Pour conclure, cet atelier est un espace où la parole était donnée aux jeunes, sans jugement. Cet espace de liberté et d’écoute, ils ne l’ont pas toujours, et je dirais même pas souvent. C’est un espace où les jeunes ont eu l’air de se sentir à l’aise et libres de parler ou de ne pas parler. Il n’y avait pas d’attente des adultes dans les réponses qu’ils pouvaient donner. Cela n’est pas toujours le cas dans ce que j’ai pu ressentir durant d’autres interventions. Lors de cet atelier, le temps leur a été accordé. Le groupe n’était pas trop grand, et cela me semble un paramètre très important pour laisser le temps qu’il faut pour faire émerger la parole. Les échanges ont été faits avec beaucoup de douceur et de calme, voire de silences. C'était très important.